Journée 09 / 23 juillet – Surzur Theix, Le Moustoir, Le Kerneve
Le dimanche matin après chaque messe tout le monde va au cimetière sur les tombes familiales. On nous a signalé que pendant trois dimanches après un enterrement on "blanchit" la tombe nouvelle, c’est-à-dire que l’on dispose dessus un petit banc (photo 1) recouvert d’un drap de la taille d’une serviette et sur lequel est posée une croix. Nous avons donc été au cimetière pour photographier ce dispositif.
A ce sujet, Mme Le Gall nous fournit plusieurs renseignements : pour les bébés, au lieu du crucifix, on dispose sur le drap la couronne de papier qui a coiffé le petit cadavre pendant son exposition. Le cimetière est entretenu par des femmes que l’on paye à l’année (5f. il y a une trentaine d’années) c’est-à-dire que chaque famille paye. Ces femmes sont souvent recrutées par les ensevelisseuses. Elle-même a acheté avec une voisine un petit banc pour "blanchir" les tombes de ceux qui n’ont pas de famille pouvant effectuer ce payement d’entretien ; elle se sert quotidiennement de ce banc dans sa cuisine. Dans le cimetière, nous avons aussi remarqué auprès de chaque tombe un bénitier de granit contenant de l’eau bénite et un rameau frais (photo 2) ; il y a quatre catégories de bénitiers : un bénitier de granit seul (photo 3), un bol de cuisine seul, un bénitier de granit supportant un bol de cuisine (photo 4), et des bénitiers de métal tout à fait modernes.
Les bénitiers de granit sont des cylindres fortement enterrés, ils portent parfois une croix en relief sur la panse ou une inscription effacée ; l’un d’eux a une forme plus élaborée : il appartient à la tombe de la supérieure du couvent de Surzur (les Filles du St Esprit) ; les tombes des enfants sont groupées dans la partie gauche du cimetière ; elles ont des croix en bois peint dont les bras se terminent par des cœurs ou des trèfles. Dans une forte proportion les cœurs sont sur les tombes des garçons et les trèfles sur les tombes des filles ; il nous a été impossible de savoir si c’est un hasard ou si c’est une tradition. Les morts-nés sont désignés par le terme "Anonyme Un Tel, décédé ou décédée le …etc".
Après cette visite au cimetière nous sommes allés à Theix où nous avons convoqué hier le maire et les informateurs. Nous avons établi notre quartier général chez M. et Mme David et Mme Santier (photo 5) ; quelques-unes de leurs chansons étant excellentes [chant 63 (J. David) (photo 6), 64 (J. Cléry) photo 7, 65 (J. Cléry), 66 (V. Bohec) photo 8, 67 (A. Santier)], nous nous proposons de revenir 48 heures en septembre pour les enregistrer. Nous allons être privés de l’appareil jusqu’à mardi 25.
Nous sommes allés ensuite au Moustoir sur la route de Nantes chez Mme Danto et son fils (photo 9) [68 (M.-J. Danto), 69 (M.-J. Danto)] ; intérieur bas-breton ; photos ; la maison (photo 10) consiste en un rez-de-chaussée séparé au centre par un corridor. A gauche sont la salle (photos 11 à 14) et une chambre, à droite, l’étable ; dans la salle, trois lits-clos avec une horloge-armoire, l’âtre, une table constituée par un coffre à provisions dont le couvercle est à glissière. Dans l’étable (photos 15 et 16), deux stalles en bois et des piliers médians avec corbeaux à croisillons. Au dessus de ce rez-de-chaussée il y a un grenier où sont disposés pêle-mêle les oignons à sécher, le foin et les vieux ustensiles. Le sol est en terre battue comme dans toute la région et les poules envahissent la salle. La porte de l’étable est formée par des planches raccordées en dents de scie dans la partie inférieure (photo 17).
A propos d’une chanson qu’elle chanta (n°69 – voir plus haut –, "au bourg de Plaudren, les femmes portent des jupes rouges"), où il est question de blague à tabac "pomponnée", Mme Danto indique le fait suivant : les blagues à tabac étaient faites par les jeunes filles, qui, fiancées, les offraient en cadeau à leur fiancé ; on les appelait les "blagues de promesse" ; elles étaient taillées dans la même étoffe que le châle de mariage. Le sens de la chanson 69 permet de supposer que cette étoffe était du velours rouge "perlé et pomponné". Cet usage est inconnu à Surzur.
L’audition de ces informateurss’est prolongée jusqu’à 17h.
Nous sommes ensuite allés au Kerneve en Theix [Le Guerneve] chez Mme Lancien (photo 18) [chant 70 (Mme Lancien)]. Sa ferme est très isolée (photos 19 et 20) ; elle a eu neuf enfants dont sept vivants ; elle a épousé un de ses cousins germains avec lequel elle a été élevée. La salle contient deux lits-clos dont l’un est d’un beau travail (photo 21) ; l’étable est identique à celle du Moustoir.
Au cours de cette journée nous avons recueilli des renseignements divers : à Theix, la coiffe est plus petite qu’à Surzur ; ils parlent davantage le français, ils coupent la lande avec une "strep", genre de bêche assez grande. A propos d’une chanson (C 68) la femme Danto raconte qu’autrefois la fiancée taillait dans la même étoffe que son châle de mariée une blague à tabac qu’elle offrait à son fiancé. Cet usage est inconnu à Surzur. Les gens de Theix ne sont pas très aimés de ceux de Surzur qui les jugent "pas francs" ; la plupart de ceux qui savent des chansons paraissent originaires de Surzur ou les ont apprises de gens de Surzur. Dans toute la région on dit "sonner" pour chanter, "ton" pour air.